Saint-Vincent tournante : 72 ième édition pour la 1ère fois à Irancy
Ce petit village de l’Yonne n’avait encore jamais reçu les quelques 80 délégations de vignerons accompagnées de la confrérie des chevaliers du Tastevin. Les 30 et 31 janvier les vignerons de Bourgogne feront la fête autour de leur Saint patron. Le samedi matin, après le défilé solennel des 80 syndicats de vignerons venus de toute la Bourgogne, la traditionnelle messe de la Saint Vincent sera célébrée par l’évêque d’Auxerre en l’église d’Irancy. Et puis tout le weekend -end plusieurs milliers de personnes vont s’essayer au vin d’Irancy dans les caveaux de dégustation. 35 vignerons de l’appellation présenteront leurs vins sur une quinzaine de millésimes.
Elijence a rencontré Vincent Barbier grand maître de la confrérie des chevaliers du Tastevin.
Elijence : Grand maître, une particularité de la Saint Vincent Tournant cette année, l’événement est accueilli pour la 1ère fois par Irancy petit village de l’Yonne.
Grand Maître : c’est dans le vignoble de l’Auxerrois. C’est la 1ère fois qu’Irancy va nous recevoir. On a déjà été pour 2 Saint Vincent tournante à Chablis mais jamais dans l’Auxerrois, c’est la 1ère fois et Irancy est très heureux de nous accueillir pour mettre en avant son appellation village.
Elijence : Irancy c’est un village un peu particulier aussi car dans ce royaume du blanc chablisien, Irancy se distingue.
Grand Maître : oui Irancy c’est 100% rouge avec le pinot à 90 % puisque le César cépage local est autorisé jusqu’à un maximum de 10% dans les cuvées.
Elijence : on pourrait s’étonner que de manière aussi septentrional on puisse faire de bons pinot noir ? C’est étonnant mais traditionnel. Sur place il est intéressant de voir qu’il y a une polyculture traditionnelle entre la vigne, les cerises et les céréales. La cerise est encore produite entre les vignes.
Elijence : Mais le pinot noir ne souffre pas trop de ce climat plus froid que la Côte d’Or ?
Grand Maître : c’est un petit plus compliqué mais ces dernières années, les maturités ont réussi, d’ailleurs on le voit car il y a des couleurs très soutenues de rouge. Il ne s’agit pas de rouge léger. Donc il y a de la maturité donc un micro climat à Irancy.
Elijence : peut –on rappeler quel est le principe de la Saint Vincent tournante ?
Grand Maître : cela a commencé au moyen âge et même encore avant. Et puis la renaissance c’est grâce à la confrérie des chevaliers du Tastevin en 1938 à Chambolle Musigny.
C’est la fête des vignerons. Ça se passe au moment de la Saint Vincent car à cette période de l’hiver les travaux sont plus calmes à la vigne, et puis surtout c’est montrer la solidarité entre les uns et les autres dans la corporation de vignerons. Car n’oublions pas que tout a commencé avec les corporations de vignerons : les syndicats de défense des vignerons de l’époque au Moyen âge. Il y avait deux styles : la confrérie qui était d’obédience chrétienne, et puis au fur et à mesure des siècles, la religion s’est un peu effacée, la laïcité est arrivée, Et ces confréries sont devenues ders sociétés de secours mutuel. Lors du défilé samedi matin, il y aura les 80 villages viticoles de la Bourgogne, des plus petits, des sans grades jusqu’aux plus grands noms de la Côte de Beaune et de la Côte de Nuits.
On verra défiler les statuettes du Saint qui représente Saint Vincent toutes différentes les unes des autres et puis les bannières aussi des sociétés de secours mutuel. Donc c’est très rigolo, chaque village exhibant et son saint et sa société de secours mutuel qui souvent sont les mêmes !
Et chaque année la Saint Vincent change de village d’où l’expression « tournante ».
Elijence : C’est assez œcuménique à la fois chrétien et laïc puisque l’on célèbre Saint-Vincent et il y a même après le défilé une messe avec l’évêque qui vient quelque part saluer ce rapport assez particulier entre le christianisme et le vin…
Grand Maître : C’est Saint Vincent qui est mis à l’honneur le patron des vignerons depuis des siècles. Il est toujours vénéré alors plus ou moins mais certains vignerons vont à la messe une fois par an c’est pour la Saint-Vincent.
Saint Vincent c’est un symbole mais derrière il y a des sociétés d’entraide ou de secours mutuel qui préfiguraient la sécurité sociale.
Eijjence : c’est avant-gardiste cette notion d’entraide entre vignerons, la sécurité sociale avant l’heure ?
Grand Maître : plus que la sécurité sociale parce que la sécurité sociale on donne une indemnité, mais là un vigneron qui se casse une jambe, il ne peut pas aller aux vignes. Il fait faire quand même le travail de la vigne : faut tailler en temps utile etc. Donc ce sont les autres vignerons qui adhèrent à cette société de secours mutuel qui font le travail à la place du vigneron malade ou blessé.
Elijence : cette entraide existe-t-elle toujours aujourd’hui ?
Grand Maître : oui parce que les assurances n’envoient personnes faire le travail. Par contre les copains sont là et on va aller tailler, finir tel traitement ou replanter quelques piquets etc pour ne pas prendre de retard.
Il est évident qu’il y a des travaux que l’on peut différer dans le temps. Mais il y a travaux comme la taille qu’il faut faire avant que la vigne ne pousse.
Elijence : la Saint Vincent tournante c’est aussi une fête populaire, plusieurs milliers de personnes sont attendues à Irancy pour découvrir le village et l’appellation, que vont déguster les visiteurs ?
Grand Maître : Le comité d’organisation d’Irancy a fait le choix de faire déguster les vins des vignerons d’Irancy.
Tous les vignerons ont livré leurs vins, plusieurs cuvées. Ces vins seront servis sous l’étiquette de chacun des vignerons. Il n’y a pas de cuvée spéciale pour la Saint Vincent.
Elijence : alors pas de vin blanc à Irancy sauf peut-être cette année ?
Grand Maître : en fait, il s’agit d’un crémant de Bourgogne produit pour l’occasion par les vignerons d’Irancy. Le rappelons que le crémant peut être fait avec des raisins de pinot noir puisqu’on le presse en blanc ! Mais il n’y aura pas de vins d’Irancy en blanc.
Elijence : la saint Vincent tournante a été critiquée, décriée à une époque comme étant un lieu de débordement, d’excès, est-ce que ce temps est révolu ?
Grand Maître : Vous avez raison on a eu des dérapages dans les années 90. On a absolument arrêté ça pour revenir à la Saint Vincent traditionnel. Le vin était délivré quasiment gratuitement et cela a pu amener des débordements. Aujourd’hui on limite les dégustations, le vin n’est plus servi sans compter. Il y a un système de tickets. On ne boit plus on déguste ! C’est plus une beuverie, c’est une dégustation avec plusieurs cuvées présentées sur plusieurs millésimes ou plusieurs climats de l’appellation.
Maintenant tout le monde joue le jeu et ça se passe plutôt bien. Les participants ont compris qu’il fallait être raisonnable « boire ou conduire… » Les doses de vins dégustés ne dépassent pas au total 25 cl, tout cela reparti sur plusieurs heures de marche à pied. Cela permet d’éliminer une grande partie des vins dégustés.
Que de belles dégustation vin de Bourgogne en vue !