157e vente des vins des hospices- 2017
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BeaunLudivineGriveau_encheres_HospicesdeBeaunee accueille ce dimanche la 157 e vente des vins des hospices . Cet événement bourguignon phare attire les regards de toute la planète vin. Durant un seul après-midi, toute la   production du domaine viticole des hospices de Beaune sera vendu aux enchères,   soit 60 ha des plus grands vins de la région depuis Chablis jusqu’à Pouilly-Fuissé en passant par la côte de Nuits : Mazis-Chambertin, Echezeaux… La   côte de Beaune : Corton, Pommard, Volnay, Beaune, Meursault,  Bâtard-Montrachet, au total 787 pièces vendues aux quatre coins du monde, sous le  marteau de la célèbre maison Christie’s.
Depuis 2015, c’est une femme qui préside aux destinées du domaine, Ludivine Griveau qui confirme cette année ses capacités de grande régisseuse.

Entretien avec Elijence
Elijence: Ludivine Griveau, que va-t-il se passer ce dimanche 19 novembre à Beaune ?
Ludivine Griveau: c’est une vente de charité, c’est la production du domaine des hospices que l’on vend. Nous mettons à disposition les vins de l’année en primeur.
Elijence: on dit souvent que c’est la vente de charité la plus importante, la plus considérable au monde ?
Ludivine Griveau: c’est la plus considérable mais surtout elle est unique au monde. Nul part ailleurs, on trouve un hôpital qui met en vente en un après-midi l’intégralité de sa production au profit dudit hôpital. Le principe c’est, en dehors des pièces des présidents qui sont tournées vers des associations, les sommes recueillies sont destinées au fonctionnement et aux investissements de l’hôpital de Beaune.
Elijence: c’est une tradition qui remonte à loin ?
Ludivine Griveau : on parle de la 157e édition donc cela fait au moins 157 ans. De mémoire les historiens pourraient mieux vous le dire mais je crois que, à deux ou trois près, elles ont toutes eu lieu chaque année. Et puis avant cela, les vins étaient quand même vendus mais plutôt de façon traditionnelle au négoce Beaunois et au négoce bourguignon. La vente aux enchères, elle, a commencé il y a 157 ans.
Elijence: Une particularité en Bourgogne, le fait que l’on vende le vin de  l’année, du millésime 2017 en l’occurrence…
Ludivine Griveau : chaque cave est libre de voir avec ses clients la possibilité de faire réserver  leurs vins en primeur mais cette vente des hospices où officiellement la propriété se transfère du producteur à l’acheteur dans la salle des ventes c’est unique en Bourgogne. C’est aussi celle qui recueille autant d’attention puisque les hospices de Beaune sont les premiers à montrer les vins de l’année et avoir la chance de parler du millésime, et puis aussi d’affirmer les choix techniques de culture qui ont été faits tout au long de l’année.
Elijence: tous les professionnels ont les yeux tournés vers Beaune pour savoir qu’elle va être la tendance du m        arché mais aussi avoir une idée de la qualité aussi du millésime…
Ludivine Griveau : c’est très important puisque la tendance qualitative est tout à fait liée à ce que l’on va montrer. Nous ne sommes pas mieux ou moins bien lotis que les autres, nous avons les mêmes contraintes et les mêmes avantages donc nous avons produit dans les mêmes conditions, nous  montrons aujourd’hui la réalité du millésime. Quant à la tendance sur les prix, prudence car c’est une vente de charité. Nous nous espérons que les prix s’enflamment et que les gens nous récompensent du travail fourni, que l’hôpital puisse récolter le maximum de fonds. Au demeurant, je crois que les dernières années nous montrent que de plus en plus c’est une vente déconnectée de la tendance du marché puisque l’objectif que cela sert n’est pas du tout le même. On sert ici la charité et le fonctionnement d’un hôpital.
Elijence: C’est une vente internationale, le monde entier est présent à Beaune sur place mais aussi par tous les moyens modernes de communication.
Ludivine Griveau  c’est tout à fait une vente internationale, je crois qu’elle l’a toujours été parce que les maisons de vin ont toujours eu leurs acheteurs et leurs importateurs venant de différents pays et parfois certaines maisons ont eu plus de 20 nationalités à table au moment du dîner et puis le phénomène s’est complètement accentuée et s’est ouvert à d’autres pays. Le rayonnement est mondial : les clients viennent de partout, Israël, la Chine avec Hong Kong, les Etats-Unis. ..Nous rentrons d’une tournée en Chine et en Asie qui s’est très bien passée, nous venons d’expédier des échantillons à Los Angeles, au Brésil il y a  beaucoup de pays du monde qui vont un peu « respirer hospices de Beaune » et puis avec les enchères à distance par téléphone et par internet, l’impact est mondial.
Elijence: Vous même vous êtes très sollicitée avant la vente puisque tous les experts mondiaux du vin vont venir ici dans la cave pour déguster sur pièce.
Ludivine Griveau:  nous recevons beaucoup de journalistes de toutes les régions du monde la semaine dernière nous avions deux journalistes chinois, il faut essayer de trouver les bons mots pour être fidèle à ce qui s’est vraiment passé dans les vignes.
Elijence: parlons de ce millésime qui est au cœur de toutes les attentions, on dit que d’ores et déjà que c’est un très grand millésime ?
Ludivine Griveau  c’est un très grand millésime en Bourgogne. D’abord, nous avons eu une récolte plutôt généreuse. Ce n’était pas difficile de faire plus que les dernières années donc nous avons produit plus en restant toutefois aux hospices de Beaune dans un niveau du rendement en phase avec l’objectif de qualité puisqu’on sait qu’il faut un minimum de concentration donc un rendement pas trop élevé pour faire de bons vins.
Mais le millésime a été complètement favorable en Bourgogne contrairement à d’autres régions. Nous avons échappé à l’épisode de gel en avril et par conséquent nous avons eu la chance de pouvoir produire, et du coup cela explique les sourires sur nos visages !
Elijence: mais comment vous les trouver ces vins ?
Ludivine Griveau : les blancs sont incroyablement denses très équilibrés,  on est allé chercher des niveaux de maturité très élevés. Nous avions un peu oublié mais c’est typiquement ce que le chardonnay sait donner de meilleur.
Nous sommes également très satisfaits des rouges. Ils ont des niveaux de fruité incroyables dès les débuts de macération et puis un grain de tannins très raffiné très « pinot noir ».  Les boisés sont déjà en train de se fondre, c’est le signe d’une texture capable de l’endosser donc c’est très prometteur.
Elijence: on parle de la vente de  787 pièces de vin, qu’est-ce que c’est une pièce de vin ?
Ludivine Griveau: une pièce bourguignonne, c’est un fût de chêne français qui, aux hospices de Beaune, est uniquement un fût neuf c’est-à-dire qu’il n’a jamais contenu de vin au préalable. Et il contient 228 litres soit un potentiel de 288 à 300 bouteilles en fonction des années, des quantités de lie et puis de ce qu’on appelle de la part des anges, l’évaporation naturelle, et puis l’absorption du bois, c’est aussi 3 litres de plus que la pièce bordelaise. Jadis les régions françaises envoyaient du vin au roi par tonneaux. Les bourguignons avaient voulu se faire mieux voir par le roi, c’est pourquoi les fûts ont pris de 3 litres de plus que la barrique bordelaise ! La concurrence était déjà là ! Aujourd’hui, heureusement elle s’estompe. Il y a d’ailleurs de très grands Bordeaux. Nous avons d’ailleurs animé avec Christie’s une dégustation de nos vins à Bordeaux dans un très bel endroit. Nous avons reçu de très belles maisons bordelaises et nous nous sommes régalés tous ensemble autour des vins de Bourgogne, les générations se suivent et ne se ressemblent pas.
Elijence: la vente des vins c’est aussi la présence de personnalités du monde du spectacle qui viennent participer aux enchères, c’est important aussi cela pour vous ?
Ludivine Griveau: la présence de personnalités à Beaune est importante à plus d’un titre. Le principal c’est que ces personnalités portent la cause des associations caritatives qu’elles représentent. Les hospices de Beaune ont eu le bonheur de sélectionner les personnalités, les candidats sont nombreux chaque année. Les hospices contribuent à porter le projet de plusieurs associations. Nous sommes très heureux d’avoir des personnalités cette année comme Agnès B, Julie Depardieu, Charles Aznavour et Marc Olivier Fogiel. A travers les associations, elles viennent soutenir la recherche sur le cerveau, ou encore la lutte contre le réchauffement climatique.
Elijence : vous êtes à la tête du domaine depuis 2015, la première femme régisseuses dans l’histoire des hospices de Beaune, est-ce que vous faites déjà un bilan de ces trois années à la tête du domaine ? On dit souvent que le milieu viticole est un milieu assez machiste, voire sexiste, est-ce que votre nomination à ce poste c’est le signe d’une évolution dans ce milieu ou est-ce un cas isolé ?
Ludivine Griveau: par chance, ce n’est pas un cas isolé !  Il  y a quand même aujourd’hui beaucoup de femmes qui dirigent un domaine, qui sont à la tête d’exploitation familiale mais aussi qui ont créé leur propre structure. Effectivement, les hospices de Beaune en recrutant une femme de mon profil, de ma génération, finalement accentuent le fait d’avoir toujours été avant-gardiste tout en étant une institution multiséculaire. Comme quoi, tout est possible on peut très bien avoir une forte assise historique et coller à la réalité de notre société. Et les mentalités évoluent, cela prend du temps, c’est à nous autres femmes de ne pas focaliser là-dessus. Je pense qu’il faut être assez asexué d’un point de vue professionnel.
Elijence: est-ce que du coup vous faites ce que certains appellent des vins féminin ?
Ludivine Griveau: Certainement ! Peut-être que j’en fais aussi des masculins, tout cela c’est tellement intuitif, subjectif, il y a des jours dans la semaine je déguste ou je prends des décisions qui pourraient être interprétés comme masculines, et puis d’autres jours c’est mon côté féminin qui l’emporte. Cela doit probablement faire un bon équilibre ! Mais de la même manière que chez les hommes. Je ne crois pas que les vins soient plus féminins parce qu’ils sont faits par des femmes. C’est juste différent dans l’approche. De toute façon, c’est complémentaire.